Lorsqu’une société connaît des difficultés, l’ouverture d’une liquidation ou d’un redressement judiciaire peut s’imposer. Dans les deux cas, la société doit être en état de cessation des paiements, c’est-à-dire que son actif disponible ne lui permette pas de faire face à son passif exigible. La différence entre ces deux procédures tient à la possibilité de redressement ou non de cette entreprise. Savoir si le redressement de l’entreprise est, ou non, manifestement impossible relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.
Ainsi dans un cas où un entrepreneur avait un passif très important depuis plusieurs années et ne présentait aucun plan de redressement les juges ont considéré qu’il était dans l’impossibilité manifeste de se redresser.
A l’inverse, les juges ont estimé que le redressement n’était pas manifestement impossible dans une hypothèse où l’exploitant d’un fonds de commerce percevait des revenus de la mise en location-gérance du fonds et de la location des murs. Ces revenus rendaient possible l’apurement du passif, en dépit du montant important de ce dernier. Dans ce cas la liquidation judiciaire n’était pas justifiée.
Dans la mesure où les deux procédures de liquidation et de redressement judiciaires sont subordonnées au constat de la cessation des paiements, la conversion du redressement en liquidation est subordonnée à l’impossibilité manifeste de redressement.
La Cour d’appel de Colmar a eu l’occasion de se prononcer dans une décision récente à ce sujet.
En l’occurrence la personne concernée par la procédure était un agriculteur éleveur.
Au terme de la procédure de redressement le débiteur restait redevable de cotisations impayées.
Le Tribunal judiciaire a converti le redressement judiciaire en liquidation judiciaire, relevant que le débiteur n'avait pas collaboré à la mesure, que son seul passif déclaré était constitué d’une créance de cotisations d’environ 100 000 euros et sa situation active demeurait inconnue.
Le débiteur a interjeté appel de ce jugement, et a demandé à la cour de juger qu'il n’était pas en état de cessation des paiement, de restaurer la procédure de redressement judiciaire, et de prolonger la période d'observation pour un nouveau délai de 6 mois.
Le débiteur a produit son contrat de travail à durée indéterminée en qualité d’ouvrier agricole, des bulletins de salaire, ainsi que l’attestation d’une personne qui annonçait son intention de signer un bail pour un bâtiment agricole.
La Cour a relevé que l’intention de reprendre son exploitation et la perspective de percevoir des loyers ne permettaient pas de considérer que l’actif disponible du débiteur était suffisant.
Le débiteur se trouvait donc toujours en situation de cessation des paiements.
Cependant, le mandataire judiciaire dans son rapport a exposé
- Les raisons qui avaient poussé le débiteur à se désengager de son exploitation et à ne pas effectuer les démarches nécessaires pendant une certaine période ;
- Le fait que le débiteur était à nouveau impliqué et justifiait de sa situation ;
- Le fait que le débiteur était à la tête d’un patrimoine immobilier conséquent ce dont il était justifié par des extraits du Livre Foncier et un avis de taxes foncières. Il s’agissait en l’occurrence d'un bâtiment agricole et de terres agricoles et prés.
La comparaison du passif du débiteur à la valeur estimée du patrimoine immobilier de ce dernier a permis à la Cour de considérer que le redressement du débiteur n’était pas manifestement impossible. Il n’y avait donc pas lieu de convertir le redressement en liquidation judiciaire.
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(Cour d’Appel de Colmar, 1ère chambre, sect. A, 21 septembre 2022, n° 21/05135)