Première énonciation du principe de l’abus d’égalité par la Cour de cassation : les risques de l’association égalitaire en société

Si un associé égalitaire empêche une opération essentielle pour la société dans l’unique dessein de favoriser ses intérêts au détriment de l’autre associé il se rend coupable d’un abus d’égalité.

Deux sociétés par actions simplifiées (A et B) ont créé une troisième société (C) dans laquelle elles étaient associés égalitaires. Cette société C a pour objet le pilotage des transports terrestres d’une quatrième société (D). Les sociétés C et D ont conclu un contrat ayant pour objet la coordination, par C, du pilotage et la gestion du transport des produits de D.

La société D a envisagé de remettre en cause ce contrat. D a demandé à C que lui soit communiquée une proposition d’offre de contrat transitoire. Une assemblée générale des associés de la société C a été convoquée afin de statuer sur cette offre de contrat. L’unanimité n’ayant pas été atteinte, la résolution en question a été rejetée.

Les sociétés A et C ont assigné la société B en justice sur le fondement de l’abus d’égalité et du manquement au devoir de loyauté.

  • Est-ce que l’associé d’une société doit s’abstenir de concurrencer la société dans laquelle il détient une participation ?

NON. Le marché qui était proposé par le prestataire D et que C pensait poursuivre a été remporté par l'associé B, qui avait une activité concurrente à C, la société dont elle était elle-même actionnaire à 50% ! Les négociations avaient même commencé alors que C était encore sous contrat avec D. Les sociétés lésées estimaient que l’exercice de l’activité concurrente et le défaut d’information du co-associé et de la société constituaient des manquements au devoir de loyauté.

La Cour d’appel n’a pas suivi les demandeurs dans leur analyse. La Cour de cassation a rappelé que « l'associé d'une société par actions simplifiée n'est, en cette qualité, tenu ni de s'abstenir d'exercer une activité concurrente de celle de la société ni d'informer celle-ci d'une telle activité et doit seulement s'abstenir d'actes de concurrence déloyaux. »

  • Est-ce que le fait pour un associé de voter contre la réalisation d'une opération essentielle pour la société dans l'unique dessein de favoriser ses intérêts au détriment de l'autre actionnaire constitue un abus d’égalité ?

OUI. La Cour d’appel a considéré que la société C s’étant soumise à la règle de l’unanimité, elle avait consenti au risque engendré par une situation de blocage de la société.

La Cour de cassation a estimé au contraire que l’abus d’égalité permettait justement d’appréhender une telle situation. Dans une telle configuration chaque associé se trouvant à la merci de l’autre, l’abus d’égalité permet de sanctionner un comportement contraire à l’intérêt social au détriment de la société de l’autre associé.

  • Comment un abus d’égalité est-il sanctionné ?

L’associé victime d’un abus de majorité, tout comme la société dont le fonctionnement est bloqué peut solliciter des dommages-intérêts. Il n’existe pas à ce jour de possibilité d’exclusion de l’associé nuisible, il existe toutefois des solutions pour éviter le blocage complet de la société.

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(Cass. Com. 21 juin 2023, n°21-23.298)

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