La Cour d’appel de Paris a été amenée à se prononcer très récemment dans une affaire de révocation de dons.
Monsieur X et Madame Y ont entretenu une relation amoureuse pendant six années. Monsieur X a, à cette occasion, consenti au versement de différentes sommes d’argent pour un total de 90 000 euros sur une période d’environ trois années.
- Remboursement d’un prêt
Monsieur X a assigné Madame en remboursement de ces sommes. Il faisait valoir qu’il s’agissait d’un prêt. Aucun écrit ne matérialisait cet accord, mais il faisait valoir l'impossibilité matérielle et morale de se procurer un écrit, au regard des relations amoureuses entretenues.
Madame contestait l’existence d’un engagement de sa part à un remboursement, soulignant l’absence d’impossibilité morale de se procurer un écrit, dans la mesure où préserver ses intérêts n'était pas, selon elle, incompatible avec le fait d'avoir une relation amoureuse. Elle expliquait que la relation ayant pris fin, son absence de réponse n’avait rien d’injurieux.
En matière de prêt, pour obtenir le remboursement, encore faut-il pouvoir démontrer à la fois la remise des sommes et le fait que le bénéficiaire s’est engagé à restitution. L’article 1359 du code civil, prévoit que : « L'acte juridique portant sur une somme ou une valeur excédant un montant fixé par décret doit être prouvé par écrit sous signature privée ou authentique. ». L'article 1360 du code civil prévoit que cette règle reçoit exception en cas d'impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit, s'il est d'usage de ne pas établir un écrit, ou lorsque l'écrit a été perdu par force majeure.
La Cour a considéré que les relations amoureuses entretenues par les intéressés durant 6 années constituaient une impossibilité morale de se procurer un écrit.
- Révocation de donation
Monsieur demandait à titre subsidiaire la révocation de la donation pour ingratitude.
Il expliquait notamment avoir sollicité l’aide de Madame sans succès en raison de ses problèmes de santé, ce qui était selon lui constitutif d'une injure grave.
En effet, l’article 955 du code civil prévoit que la donation entre vifs peut être révoquée pour cause d'ingratitude.
La loi vise les cas où le donataire a intenté à la vie du donateur, ou les cas où le donataire s'est rendu coupable envers le donateur de sévices, délits ou injures graves et/ou s'il lui refuse des aliments.
La Cour a constaté que la rupture était récente et que Madame en avait pris l’initiative. Monsieur avait du mal à accepter cet état de fait.
La Cour a considéré que l’absence de réponse aux appels à l'aide de Monsieur pouvait être destinée à éviter toute ambiguïté. Ainsi, le silence observé postérieurement à la rupture n’était pas constitutif d’une injure grave permettant de révoquer les donations pour cause d'ingratitude.
Les émotions seules ne peuvent guider certains engagements pécuniers, au risque de créer de l'insécurité. La sécurité juridique est donc assurée grâce à cette décision. Il existe de nombreux moyens juridiques pour sécuriser et organiser non seulement la vie commune entre concubins, mais aussi les investissements communs qu’ils soient professionnels ou privés.
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(Cour d'appel de Paris, 9 février 2023, n° RG 20/03039)