Une clause de réserve de propriété permet de suspendre le transfert de la propriété sur un bien jusqu'au complet paiement du prix. Un créancier qui bénéficie d’une telle clause, peut agir en revendication après l’ouverture d’une procédure collective.
Qu’en est-il si la société en liquidation a, avant l’ouverture de la procédure, cédé ses créances à une société d’affacturage ? Un fournisseur peut-il obtenir le produit de la vente de biens récupéré par la société d’affacturage ?
Dans une décision récente, un contrat d’affacturage a été conclu en un affactureur et une société. L’affactureur devenait ainsi propriétaire des créances de ladite société à l’égard de sa clientèle.
Quelques temps plus tard la société est mise en redressement puis en liquidation.
Le fournisseur de matériel informatique de la société a revendiqué auprès de l’administrateur divers biens, services et logiciels et, à défaut, leur prix.
L’affactureur avait en effet obtenu par subrogation dans les droits de la société le paiement de certaines créances à l’égard des clients de la société. Le fournisseur a assigné la société d’affacturage en restitution des sommes obtenues.
La Cour d’appel a condamné la société d’affacturage à payer au fournisseur une somme avoisinant les 600000 euros.
La société d’affacturage a formé un pourvoi en cassation sur la base des arguments suivants :
- La clause de réserve de propriété doit avoir été convenue entre les parties dans un écrit au plus tard au moment de la livraison;
- Or elle soutenait qu’il existait un contrat cadre entre le fournisseur et la société en liquidation qui ne prévoyait aucune clause de réserve de propriété;
- Les factures produites par le fournisseur ne reproduisaient pas les CGV au verso, son cocontractant ne les avait pas signées.
La société d’affacturage contestait donc que la société en liquidation ait eu connaissance de l’existence d’une clause de réserve de propriété.
La Cour de cassation a retenu que les conditions générales de vente du fournisseur contenaient une clause de réserve de propriété. Ces conditions générales de vente figuraient systématiquement au verso des factures, sur le site du fournisseur, et la clause de réserve de propriété figurait également dans les conditions générales de vente signées par la société ultérieurement concernée par une liquidation. Cette dernière avait donc accepté la clause de réserve de propriété avant la livraison des biens.
Le contrat cadre signé entre le fournisseur et la sociétéen liquidation ne mentionnait certes pas l’application d’une clause de réserve de propriété. Mais une annexe au contrat cadre mentionnait explicitement que les achats effectués restaient régis par les conditions convenues entre les parties.
La Cour de cassation a donc validé le raisonnement de la Cour d’appel sur l’existence d'une clause de réserve de propriété opposable à la société d’affacturage. Il en résulte que la société d’affacturage a dû régler au fournisseur les sommes importantes que ce dernier réclamait.
La question de l’opposabilité de la clause de réserve de propriété est source de nombreux litiges. La revendication des marchandises faisant l’objet d’une telle clause est soumise à des conditions strictes.
Je vous accompagne en matière de droit des contrats et des procédures collectives, n’hésitez pas à me contacter à l’adresse
(Cass. com. 6 mars 2024, n°22-22.651)