Vente de fonds de commerce : le juge ne peut fixer le prix de cession

La Cour de cassation rappelle une règle essentielle de droit commercial : le juge n’a pas le pouvoir de fixer le prix d’une vente, même lorsqu’un différend oppose les parties.

📜Une pharmacie avait vendu son fonds à une autre pharmacie pour un prix équivalant à 80 % du chiffre d’affaires, ajusté selon des éléments convenus, avec la possibilité de désigner un tiers évaluateur en cas de désaccord. Un différend étant né sur le montant exact du chiffre d’affaires, la cédante a saisi le tribunal de commerce pour qu’il fixe le prix définitif.

🏛️Par arrêt du 12 décembre 2023, la cour d’appel de Poitiers a elle-même calculé les éléments à retrancher et arrêté le prix à 1 035 820 €.

🧑‍⚖️La Cour de cassation casse cette décision : selon les articles 1591 et 1592 du Code civil, le prix doit être déterminé par les parties ou par un tiers désigné, jamais par le juge. De plus, seul le président du tribunal de commerce de Niort, désigné par contrat, pouvait nommer le tiers évaluateur.

La Haute juridiction réaffirme que la fixation du prix relève exclusivement de la volonté contractuelle. Les praticiens doivent donc soigner la rédaction des clauses de prix et de désignation du tiers évaluateur pour sécuriser la vente d’un fonds de commerce.

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(Cass. com., 4 juin 2025, n° 24-11.580)

Exception d’inexécution : la Cour de cassation libère le locataire commercial du formalisme de la mise en demeure

📜Par un arrêt du 18 septembre 2025, la Cour de Cassation admet que le locataire puisse suspendre le paiement des loyers dès lors que les locaux sont devenus impropres à l’usage prévu, sans mise en demeure préalable du bailleur. Une société invoquait des infiltrations d’eau rendant les lieux inexploitables. Le bailleur, lui, réclamait loyers et indemnité de pas-de-porte.

🏛️La cour d’appel rejette l’argument du locataire au motif qu’il n’avait pas sommé le bailleur d’agir.

🧑‍⚖️La Cour de cassation casse l’arrêt : Le bail commercial, contrat synallagmatique par essence, permet au preneur de suspendre immédiatement son obligation si le bailleur manque à ses devoirs de délivrance, d’entretien ou de jouissance paisible.

💡En supprimant un formalisme inutile, la Haute juridiction renforce la protection du locataire commercial et rappelle que l’équilibre du bail repose sur un principe simple : pas de loyer sans jouissance effective des lieux.

Le cœur de la démonstration qu’il appartient à votre avocat de sécuriser est celle de la preuve que les locaux sont inexploitables. La jurisprudence reste en effet intransigeante sur ce point, un locataire commercial ne peut se dispenser de payer ses loyers au seul motif que le bailleur s’est rendu coupable de manquements, chaque situation nécessite un examen approfondi.

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(Cass. civ. 3, 18 sept. 2025, n° 23-24.005)

Assurance emprunteur : la clause invalidité passée au scanner de la Cour de cassation

En 2007, un particulier adhère, pour garantir son prêt immobilier, au contrat d’assurance couvrant l’incapacité de travail et l’invalidité permanente totale. Après un arrêt de travail en 2012, l’assureur prend en charge les mensualités. En 2017, une expertise fixe son taux d’invalidité en-deçà du seuil contractuel de 66 % ; les règlements sont alors interrompus, l’assureur invoquant la clause de garantie.

Le tribunal, puis la cour d’appel, estiment la clause claire : la notice donne la définition de l’invalidité et renvoie à un tableau d’évaluation ; l’exclusion visant affections cardiaques et diabète serait, elle aussi, suffisamment précise.

La Haute Cour censure partiellement l’arrêt : parce qu’elle renvoie à un tableau sans expliquer le calcul croisé des incapacités fonctionnelle et professionnelle, la clause ne permet pas à un consommateur moyen de comprendre comment atteindre les 66 % requis. Ne satisfaisant pas à l’exigence de transparence matérielle, elle redevient contrôlable au titre des clauses abusives. La clause d’exclusion médicale, jugée formelle et dépourvue d’ambiguïté, est en revanche confirmée.

L’arrêt souligne qu’une simple mention de taux ne suffit plus : l’assureur doit détailler la méthode de calcul pour préserver la validité des garanties touchant à l’objet principal du contrat.

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(Cass. 2e civ., 7 mai 2025, n° 23-14.896)

Devoir d’information précontractuelle

En mai 2025, la Cour de cassation a précisé la portée du devoir d’information précontractuelle dans une affaire opposant l’acquéreur d’un fonds de commerce de restauration rapide à son cédant.

L’acquéreur reprochait à ce dernier de ne pas l’avoir informé de l’impossibilité d’exploiter correctement le local, notamment de faire de la friture, en raison des contraintes du règlement de copropriété et de l’absence d’extraction adaptée. Il invoquait un manquement au devoir d’information précontractuelle et réclamait des dommages-intérêts.

En vain. La Cour rejette le pourvoi et rappelle que ce devoir ne vise que les informations à la fois déterminantes pour le consentement et présentant un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties. Autrement dit, toute information importante ne suffit pas : il faut prouver que celle-ci a réellement pesé dans la décision de contracter.

En l’espèce, l’impossibilité de faire de la friture n’avait pas été établie comme une condition déterminante du consentement de l’acquéreur. Par conséquent, le vendeur n’était pas tenu d’en faire une mention spécifique, quand bien même cette information aurait été en lien avec l’activité projetée.

Cet arrêt invite à la prudence : pour invoquer un défaut d’information, encore faut-il démontrer que l’élément omis aurait changé la décision de contracter.

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(Cass. com. 14.05.2025, n° 23-17.948)

Concurrence déloyale et indemnisation du préjudice

En avril 2025, la Cour de cassation s’est penchée sur les pratiques d'Uber, en particulier son service « UberPop » de mise en relation entre passagers et conducteurs, accusé d’avoir contourné la réglementation applicable aux taxis.

Des chauffeurs professionnels avaient assigné Uber pour concurrence déloyale, arguant que ce contournement réglementaire leur causait un préjudice moral et économique.

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel pour avoir accordé des dommages-intérêts économiques aux chauffeurs de taxi contre Uber France, alors que la cour d’appel avait elle-même constaté l’absence de perte de chiffre d’affaires ou de clientèle pendant la période concernée par le service UberPop.

  1. En cas de concurrence déloyale fondée sur un avantage indu, notamment par contournement de la réglementation, il est possible d’évaluer le préjudice économique sur la base de l’avantage ainsi obtenu, modulé en fonction des volumes d’affaires respectifs.
  2. Toutefois, si aucun préjudice économique n’est prouvé, seul un préjudice moral est indemnisable, celui-ci étant irréfragablement présumé.
  3. La cour d’appel, ayant constaté l’absence de perte économique pour les chauffeurs, ne pouvait accorder une réparation économique sur la seule base d’un trouble causé au marché et d’une rupture d’égalité concurrentielle.

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(Cass. com., 9 avril 2025, 23-22.122, FS-B)