Assurance emprunteur : la clause invalidité passée au scanner de la Cour de cassation

En 2007, un particulier adhère, pour garantir son prêt immobilier, au contrat d’assurance couvrant l’incapacité de travail et l’invalidité permanente totale. Après un arrêt de travail en 2012, l’assureur prend en charge les mensualités. En 2017, une expertise fixe son taux d’invalidité en-deçà du seuil contractuel de 66 % ; les règlements sont alors interrompus, l’assureur invoquant la clause de garantie.

Le tribunal, puis la cour d’appel, estiment la clause claire : la notice donne la définition de l’invalidité et renvoie à un tableau d’évaluation ; l’exclusion visant affections cardiaques et diabète serait, elle aussi, suffisamment précise.

La Haute Cour censure partiellement l’arrêt : parce qu’elle renvoie à un tableau sans expliquer le calcul croisé des incapacités fonctionnelle et professionnelle, la clause ne permet pas à un consommateur moyen de comprendre comment atteindre les 66 % requis. Ne satisfaisant pas à l’exigence de transparence matérielle, elle redevient contrôlable au titre des clauses abusives. La clause d’exclusion médicale, jugée formelle et dépourvue d’ambiguïté, est en revanche confirmée.

L’arrêt souligne qu’une simple mention de taux ne suffit plus : l’assureur doit détailler la méthode de calcul pour préserver la validité des garanties touchant à l’objet principal du contrat.

N’hésitez pas à me contacter : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

(Cass. 2e civ., 7 mai 2025, n° 23-14.896)

Devoir d’information précontractuelle

En mai 2025, la Cour de cassation a précisé la portée du devoir d’information précontractuelle dans une affaire opposant l’acquéreur d’un fonds de commerce de restauration rapide à son cédant.

L’acquéreur reprochait à ce dernier de ne pas l’avoir informé de l’impossibilité d’exploiter correctement le local, notamment de faire de la friture, en raison des contraintes du règlement de copropriété et de l’absence d’extraction adaptée. Il invoquait un manquement au devoir d’information précontractuelle et réclamait des dommages-intérêts.

En vain. La Cour rejette le pourvoi et rappelle que ce devoir ne vise que les informations à la fois déterminantes pour le consentement et présentant un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties. Autrement dit, toute information importante ne suffit pas : il faut prouver que celle-ci a réellement pesé dans la décision de contracter.

En l’espèce, l’impossibilité de faire de la friture n’avait pas été établie comme une condition déterminante du consentement de l’acquéreur. Par conséquent, le vendeur n’était pas tenu d’en faire une mention spécifique, quand bien même cette information aurait été en lien avec l’activité projetée.

Cet arrêt invite à la prudence : pour invoquer un défaut d’information, encore faut-il démontrer que l’élément omis aurait changé la décision de contracter.

Vous souhaitez sécuriser vos projets d’acquisition ou rédiger des clauses d’information adaptées ? N’hésitez pas à me contacter : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

(Cass. com. 14.05.2025, n° 23-17.948)

Concurrence déloyale et indemnisation du préjudice

En avril 2025, la Cour de cassation s’est penchée sur les pratiques d'Uber, en particulier son service « UberPop » de mise en relation entre passagers et conducteurs, accusé d’avoir contourné la réglementation applicable aux taxis.

Des chauffeurs professionnels avaient assigné Uber pour concurrence déloyale, arguant que ce contournement réglementaire leur causait un préjudice moral et économique.

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel pour avoir accordé des dommages-intérêts économiques aux chauffeurs de taxi contre Uber France, alors que la cour d’appel avait elle-même constaté l’absence de perte de chiffre d’affaires ou de clientèle pendant la période concernée par le service UberPop.

  1. En cas de concurrence déloyale fondée sur un avantage indu, notamment par contournement de la réglementation, il est possible d’évaluer le préjudice économique sur la base de l’avantage ainsi obtenu, modulé en fonction des volumes d’affaires respectifs.
  2. Toutefois, si aucun préjudice économique n’est prouvé, seul un préjudice moral est indemnisable, celui-ci étant irréfragablement présumé.
  3. La cour d’appel, ayant constaté l’absence de perte économique pour les chauffeurs, ne pouvait accorder une réparation économique sur la seule base d’un trouble causé au marché et d’une rupture d’égalité concurrentielle.

N’hésitez pas à me contacter, que ce soit pour anticiper des difficultés, ou pour vous accompagner dans vos litiges en matière commerciale : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

(Cass. com., 9 avril 2025, 23-22.122, FS-B)

Qui ne dit mot consent ?

Contrairement à cet aphorisme populaire, le silence ne vaut pas nécessairement acceptation dans la vie des affaires.

Dans une affaire récente, deux sociétés ont conclu un contrat de maintenance. La cliente a adressé unilatéralement un nouveau mode de fonctionnement destiné à améliorer le contrôle de la facturation, selon lequel un seul interlocuteur serait habilité à valider les demandes d'intervention de la prestataire.

La société prestataire n’a pas réagi à cette notification. Des factures ont été adressées par la société prestataire sans respecter le nouveau mode de fonctionnement.

Pour la société cliente, la société prestataire avait acquiescé au nouveau mode de fonctionnement incluant la méthode de facturation. La cour d’appel a suivi ce raisonnement. Très concrètement, la cliente refusait de régler les factures au motif que le salarié de la prestataire ayant validé les interventions n’était pas habilité selon le nouveau mode de fonctionnement.

La société cliente s’est pourvue en cassation. La haute Cour casse l’arrêt de la Cour d’appel, car cette dernière n’a pas caractérisé les circonstances particulières qui lui ont permis de retenir que, malgré son silence, la société prestataire avait acquiescé au changement du mode de fonctionnement, y compris la méthode de facturation.

Il y a donc lieu d’être toujours extrêmement vigilant en matière contractuelle… Informer unilatéralement d’un changement de fonctionnement ne signifie pas modifier valablement le contrat.

Je vous accompagne en matière de technique contractuelle, qu’il s’agisse de la rédaction, de l’interprétation ou de la renégociation de vos contrats. N’hésitez pas à me contacter à l’adresse suivante : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

 

(Cour de cassation, chambre commerciale, 26 février 2025, n° 23-21.063)

Secret des affaires et loyauté de la preuve

Il y a lieu d’être très précautionneux à l’occasion de la production de pièces en justice. En matière de contentieux des affaires, l’arbitrage devra être fait entre la violation éventuelle du secret des affaires et la nécessité de prouver le bien-fondé de ses demandes. Dans une affaire récente, la Cour de cassation a confirmé sa jurisprudence en matière de concurrence déloyale.

L'article L. 151-8, 3°, du code de commerce dispose que

A l'occasion d'une instance relative à une atteinte au secret des affaires, le secret n'est pas opposable lorsque son obtention, son utilisation ou sa divulgation est intervenue :

(…)

Pour la protection d'un intérêt légitime reconnu par le droit de l'Union européenne ou le droit national.

Une entreprise exploitante d’un point de vente de pizzas, franchisée, a reproché des actes de concurrence déloyale a une autre franchise et un franchisé du même secteur d’activité.

Les actes de concurrence déloyales portaient sur des délais de paiement excessifs et des prêts contraires au monopole bancaire. La société en demande souhaitait obtenir la cessation de ces pratiques et le paiement de dommages et intérêts. Le concurrent assigné sollicitait quant à lui à titre reconventionnel le paiement de dommages et intérêts pour production au cours de la procédure de pièces couvertes par le secret des affaires.

La pièce en question était un guide d’évaluation des points de vente contenant de nombreux conseils pour permettre aux franchisés du réseau d’améliorer la qualité de leur gestion et la rentabilité de leur point de vente. Ce guide n’avait été transmis qu’aux membres du réseau de façon confidentielle et était un vecteur de transmission du savoir-faire distinctif du franchiseur.

Protégée par le secret des affaires, la production de cette pièce a donné lieu à condamnation par la Cour d’appel au paiement de dommages intérêts en réparation du préjudice moral du fait de la violation du secret des affaires.

La société demanderesse s’est prévalue de l’article du Code de commerce susvisé pour faire valoir par devant la Cour de cassation que la Cour d’appel n’avait pas recherché si la production de cette pièce n’avait pas été faite pour la protection d’un intérêt légitime.

La Cour de cassation a ainsi pu rappeler qu’à l'occasion d'une instance relative à une atteinte au secret des affaires, le secret n'est pas opposable lorsque son obtention, son utilisation ou sa divulgation est intervenue pour la protection d'un intérêt légitime reconnu par le droit de l'Union européenne ou le droit national.

Le droit à la preuve peut justifier la production d'éléments couverts par le secret des affaires, à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

La Cour de cassation a ainsi reproché à la Cour d’appel de ne pas avoir recherché si la pièce produite n'était pas indispensable pour prouver les faits allégués de concurrence déloyale et si l'atteinte portée par son obtention ou sa production au secret des affaires n'était pas strictement proportionnée à l'objectif poursuivi.

N’hésitez pas à me contacter, que ce soit pour anticiper des difficultés, ou pour vous accompagner dans vos litiges en matière commerciale : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

(Cass. com, 5 février 2025, n°23-10.953)